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Les sources d'énergie

Attaquons-nous à un gros morceau ! Les sources d'énergie (ou filières énergétiques) sont un sujet difficile et redouté par les préparateurs physiques. Elles nous poussent à la frontière de nos connaissances. En effet, leur étude tient plus de la biochimie et de la médecine que du sport. Nous allons parler de mitochondrie, de molécule d'ATP, d'acide lactique, d’oxydation...

Cependant, une bonne compréhension des filières énergétiques est essentielle pour tout bon préparateur physique car elle permet de comprendre le pourquoi et le comment derrière les valeurs des variables de l'entrainement comme les temps de repos ou le nombre de répétitions. Elle ouvre également les portes à la physiologie de l'entrainement. Pourquoi se reposer 5 minutes après un sprint de 30 mètres à haute intensité lors du travail de la vitesse maximale mais seulement 2 minutes lors du travail de l'endurance de vitesse ? Combien de temps faut-il courir avant de brûler des graisses ? Pourquoi les compléments de créatine sont intéressants pour les sports explosifs ?

Cet article est divisé en 5 parties :

  1. Les filières énergétiques introduit les concepts d'ATP et de filières aérobiques versus anaérobiques
  2. Le système phosphagène anaérobie (ATP-PC) décrit la création de l'ATP via le système phosphagène anaérobie
  3. Le système glycolytique anaérobie décrit la création de l'ATP via le système glycolytique anaérobie
  4. Le système oxydatif aérobie décrit la création de l'ATP via le système oxydatif aérobie
  5. Et après ? conclut cet article et discute de l'implication des voies énergétiques dans l'entrainement

J'essayerai un maximum de simplifier les raisonnements trop techniques. L'objectif est d'amener le lecteur à une bonne compréhension des sources d'énergie sans pour autant en faire un biochimiste.

Allez, commençons par une petite introduction !

Ariston regarde une boule de feu symbolisant la création d'énergieAriston regarde une boule de feu symbolisant la création d'énergie
Ariston regarde une boule de feu symbolisant la création d'énergieAriston regarde une boule de feu symbolisant la création d'énergie

Les filières énergétiques

Introduisons le premier élément technique - la molécule d'ATP ou adénosine triphosphate ! Il est impossible de parler des sources d'énergie sans parler d'ATP pour la simple raison que c'est précisément cette molécule qui fournit de l'énergie aux cellules. Comment ? En se brisant ! Lorsqu'elle est brisée (on parle du clivage de l'ATP), la molécule d'ATP devient une molécule d'ADP et de phosphate et libère de l'énergie ! C'est cette énergie qui est utilisée par les cellules et notamment, par les cellules musculaires capables de transformer cette énergie en mouvement.

Bien, nous savons maintenant que l'ATP est synonyme d'énergie. Tout l'objet du reste de cet article est d'étudier les différentes façons dont le corps produit de l'ATP. Et il en produit des molécules d'ATP ! Une cellule fabrique en moyenne 10 millions de molécules d'ATP par seconde ! Et chaque jour, le corps humain consomme l'équivalent de son poids en ATP !

Note

Pour être tout à fait correct, il ne faudrait pas dire que notre corps produit l'énergie mais plutôt qu'il en régénère.

Créer cette précieuse molécule est donc l'une des activités principales de notre corps. Pour ce faire, il existe deux grandes familles de systèmes (ou voies métaboliques) : les voies anaérobiques fabriquent de l'ATP sans oxygène tandis que les voies aérobiques ont besoin d'oxygène. Cet article détaille le fonctionnement de deux voies anaérobiques et une voie aérobique :

  1. Le système phosphagène anaérobie (ATP-PC) est une voie anaérobique (sans oxygène) et alactique (sans production d'acide lactique). Ce système est très utilisé pour créer de l'ATP lors d'efforts courts (moins de 10 secondes) et intenses comme shooter dans un ballon, sauter, lancer un objet, soulever un poids...
  2. La glycolyse est une voie anaérobique lactique, c'est-à-dire qu'elle produit du lactate en plus de l'ATP. Cette voie est majoritairement utilisée pour les efforts compris entre 20 secondes et 2 minutes. Les coureurs de 400m connaissent très bien cette voie et l'effet de l'acide lactique sur le corps.
  3. Le système oxydatif (respiration cellulaire) est une voie aérobique. L'implication de l'oxygène permet de fabriquer beaucoup plus de molécules d'ATP que les deux voies précédentes mais de manière plus lente. Lorsque les efforts dépassent les 60 secondes, cette filière devient dominante.

Bien, un petit résumé s'impose : l'énergie de notre corps provient du clivage d'une molécule d'ATP. Notre corps produit en permanence de l'ATP pour couvrir ses besoins en énergie. Lorsque l'activité physique augmente, les besoins en ATP augmentent afin de permettre la contraction musculaire. En fonction de l'intensité et de la durée de l'effort, notre corps va préférer utiliser une voie plutôt qu'une autre afin de répondre plus efficacement à la demande accrue en ATP. Ces systèmes de création peuvent se faire avec ou sans oxygène. Le graphe suivant est une illustration classique des sources d'ATP en fonction de la durée de l'effort :

Pourcentage d'ATP créée par les voies aérobiques versus anaérobiques en fonction de la durée de l'effort.Pourcentage d'ATP créée par les voies aérobiques versus anaérobiques en fonction de la durée de l'effort.

Si tout est clair, nous pouvons passer à la première filière énergétique.

Le système phosphagène anaérobie (ATP-PC)

Le système phosphagène anaérobie (ou ATP-PC) est le système énergétique le plus rapide du corps humain. Malheureusement, s'il est rapide, il est aussi peu efficace car il ne génère que peu de molécules d'ATP. Notre corps utilise cette voie lors des efforts courts (moins de 10 secondes) et intenses. C'est le cas en haltérophilie, dans le lancer du poids ou du disque, en golf, en baseball...

Son fonctionnement est le suivant :

  1. La première réaction est le clivage de l'ATP en adénosine diphosphate (ADP) et en phosphate. Cette réaction est une réaction exothermique, c'est-à-dire qu'elle libère de l'énergie. Cette énergie peut être utilisée par les cellules musculaires pour produire un mouvement.
  2. Une autre molécule, la phosphocréatine (PC), est à son tour décomposée en une molécule de phosphate et en créatine.
  3. L'énergie libérée par la réaction précédente permet de reformer de l'ATP à partir de la molécule d'ADP et du phosphate issu de la deuxième réaction.

Ce système repose donc sur deux molécules : l'ATP pour produire de l'énergie et la phosphocréatine pour reformer de l'ATP à partir d'ADP. Ceci explique l'utilité des compléments alimentaires de créatine qui permettent de maintenir des réserves élevées de phosphocréatine.

Les muscles squelettiques ne peuvent contenir qu'une petite quantité d'ATP qui est épuisée dans les 10 secondes suite à un effort intensif. Quant à la phosphocréatine, sa quantité est réduite de 50% (voir 70%) après 5 secondes d'effort intensif. Vers 10 secondes d'effort, la glycolyse devient le système principal de production d'ATP. Nous pouvons donc imaginer un effort violent comme une course contre la montre : le système ATP-PC essaye au maximum de ralentir la chute des stocks d'ATP via l'utilisation de la phosphocréatine jusqu'au moment où les réserves de cette dernière sont épuisées.

Après un effort, la reconstitution des réserves d'ATP est rapide : seulement 30 secondes pour rétablir 70% des stocks. Pour une reconstitution des réserves à 100%, il faut attendre 3 à 5 minutes. Par contre, les réserves de phosphocréatine prennent plus de temps à se reconstruire : 2 min pour 84%, 4 min pour 89% et 8min pour 100% des réserves. L'un des objectifs de l'entrainement est d'habituer le corps à reformer rapidement ses réserves.

Cette reconstitution des réserves d'ATP et de phosphocréatine est la raison principale derrière les temps de repos supérieurs à 3 minutes pour des entrainements à haute-intensité !

Le système glycolytique anaérobie

La glycolyse est la filière énergétique anaérobique dominante pour les efforts dont la durée varie entre 20 secondes et 2 minutes. Cette fois-ci, l'énergie provient de la dégradation du glucose sanguin et des réserves de glycogène (une forme du glucose stockée dans le foie et les muscles squelettiques). Avec une molécule de glucose, la glycolyse est capable de créer 2 molécules d'ATP (en réalité, 4 molécules mais la réaction consomme elle-même 2 ATP). Bien que moins rapide que l'ATP-PC, ce système est donc plus efficace.

En plus des 2 molécules d'ATP, la glycolyse entraine la formation d'acide lactique qui est à son tour converti en lactate et en pyruvate. Ces pyruvates peuvent ensuite être amenés dans les mitochondries (les usines à énergie des cellules) qui les utilisent à leur tour lors de réactions aérobiques (prochain chapitre) pour produire de l'énergie. Pendant longtemps, les professionnels du sport et de la santé ont pensé que l'acide lactique était responsable de la sensation de brûlure dans les muscules et de la dégradation de la performance lors d'efforts violents et prolongés. Des études récentes contredisent cette théorie et incriminent plutôt l'accumulation d'ions hydrogène et de phosphates inorganiques pour expliquer l'augmentation de l'acidité dans les muscles. En tant que professionnel réfléchi, le prudence est donc de mise. La physiologie est une branche très complexe de la biologie. Les études se contredisent facilement et de nouvelles découvertes sont réalisées régulièrement.

Malheureusement, la chimie de la glycolyse est trop compliquée pour être abordée ici. Elle est composée d'une dizaine de réactions chimiques, nécessite de dépenser de l'ATP, introduit plusieurs enzymes... Pour les lecteurs amateurs de chimie, je me contenterai de partager grossièrement la formule de la réaction chimique :

glucose + 2 ADP + 2 Pi + 2 NAD+ → 2 pyruvates + 2 ATP + 2 (NADH + H+) + 2 H2O.

À partir d'une molécule de glucose, 2 ADP, 2 phosphates et deux molécules de NAD+ (une molécule très importante qui permet de transporter des électrons et donc de l'énergie), la glycose est capable de former 2 pyruvates, 2 ATP, 2 (NADH + H+) (la forme réduite du NAD+) et 2 molécules d'eau.

Pour les sports caractéristiques de cette voie métabolique (200m ou 400m par exemple), une partie importante de l'entrainement est l'amélioration de la capacité à utiliser les réserves de glycogène et à travailler dans un milieu acide. Les intervalles de travail à moyenne / haute intensité mais avec de faibles temps de récupération sont très utiles à cet effet.

Cette filière énergétique explique pourquoi les athlètes ont besoin d'une alimentation riche en glucide. Dans le cas d'une alimentation adéquate, les réserves en glycogène des muscles sont complètement restaurées après 20-24 heures. Si ce n'est pas le cas, le sportif aura besoin de plus de temps avant de totalement récupérer.

Bien ! Il est temps de passer à la dernière voie métabolique.

Le système oxydatif aérobie

Le système oxydatif est la filière principale pour les efforts compris entre 2 minutes et 3 heures. Tout comme la glycolyse, le système oxydatif utilise le glucose sanguin et le glycogène musculaire pour produire de l'ATP mais il peut également se servir des graisses et des protéines. À des fins pédagogiques, nous pouvons comparer cette filière a un feu qui brûle lentement ses combustibles. L'utilisation des différents composants/combustibles dépend de l'intensité et de la durée de l'exercice. Ainsi, au repos, cette filière produit de l'ATP en utilisant à 70% l'oxydation des graisses et 30% l'oxydation des sucres. Pour les efforts de plus de 2 minutes, les glucides sont les plus utilisés mais lorsque l'activité se poursuit, le combustible le plus utilisé redevient les graisses. Après 2h d'effort, même les protéines peuvent être utilisées. Bien sûr, l'entrainement peut faire fortement varier ces valeurs.

La principale différence avec les deux autres filières est la présence d'oxygène. Et cette présence d'oxygène fait toute la différence ! En théorie et avec une seule molécule de glucose, le système oxydatif aérobie est capable de créer 36 molécules d'ATP en oxydant une seule molécule de glucose. Cette prouesse est réalisable grâce à l'enchainement de plusieurs étapes qui produisent plus d'ATP qu'elles en utilisent (la glycolyse est souvent ajoutée au tableau car les pyruvates qu'elle produit servent de point de départ au cycle de Krebs). Ainsi, avec une molécule de glucose, le corps est capable de produire :

ÉtapeATP
Préparation-2
Glycolyse4
Transport vers la mitochondrie-2
Cycle de Krebs2
Phosphorylation oxydative34
Total36

Les deux étapes les plus importantes sont le cycle de Krebs et la phosphorylation oxydative.

Le cycle de Krebs est probablement la voie métabolique la plus connue du corps humain. Vous vous souvenez des 2 pyruvates résultant de la glycolyse ? C'est ici qu'on les retrouve ! Lorsqu'un pyruvate est oxydé, il forme une molécule d'acétyl-CoA (i.e. le point de départ du cycle). La glycolyse d'un glucose donne deux pyruvates et donc deux acétyl-CoA et donc deux tours du cycle de Krebs. Après les 10 étapes du cycle, le bilan est de 2 molécules de CO2, 3 NADH + H+, 1 FADH2, 1CoA et 1 GTP (±ATP). À première vue, le bilan n'est pas terrible : une seule molécule d'ATP produite ! C'est moins bien que la glycolyse. Alors pourquoi le cycle de Krebs est si important ? Parce que le résultat le plus intéressant est l'énergie stockée dans les molécules de NADH + H+ et de FADH2.

Cette énergie est utilisée via la phosphorylation oxydative et l'ATP synthase. Cette enzyme des mitochondries est capable de créer de l'ATP à partir d'ADP et de phosphate grâce à l'énergie stockée dans les molécules de NADH + H+, et 1 FADH2. La règle générale est : 1NADH donne 3ATP et 1 FADH2 donne 1ATP. Le cycle de Krebs fournit donc à l'ATP synthase les matériaux nécessaires à la régénération de l'ATP.

Afin de mieux comprendre le bilan en ATP de l'oxydation d'une molécule de glucose, le tableau précédent peut être réécrit de cette façon :

ÉtapeDirectIndirect (aérobie)
Glycolyse2 ATP2 NADH = 6ATP
Transformation des pyruvates/2 NADH = 6ATP
Cycle de Krebs2 ATP/
Phosphorylation oxydative/6 NADH = 18 ATP 2 FADH2 = 4 ATP
Sous-Total4 ATP34 ATP
Total38 ATP

Note

La quantité d'ATP produite par la respiration cellulaire est de 34 ATP ou 36 ATP ou 38 ATP. Ce nombre varie en fonction de la prise en compte des molécules ATP dépensées et des réactions. De plus, il existe de grandes différences entre les valeurs théoriques et les valeurs physiologiques réelles.

Cette filière est très efficace mais aussi très lente. Elle est caractéristique des efforts de faible intensité et de longue durée, c'est-à-dire des sports d'endurance comme le marathon, le vélo, le biathlon, la natation... ou simplement le repos ! En effet, le corps utilise cette voie en continu pour subvenir aux besoins en ATP.

Et après ?

Le corps humain est un système (extrêmement) complexe. Les trois filières précédentes fonctionnent de concert pour assurer un approvisionnement constant en ATP. Mais des chercheurs se sont "amusés" à estimer l'origine de l'énergie utilisée chez des sportifs issus de différents sports. Les résultats sont regroupés dans ce tableau :

SportDisciplineATP-PCGlycolyseAérobie
Athlétisme100m53443
200m264529
1500m02080
marathon00100
Baseball/80155
CyclismeCourse sur route0595
Golf/00100
FootballAilier80200
Milieu de terrain602020
Lutte/45550
Tennis/702010

Note

Ce tableau synthétique reprend quelques exemples de plusieurs études (van Someren, Newsholme & Duester - Powers and Howley - Dal Monte) et est extrait du livre 'Periodization, Theory and Methodology of Training' de Tudor O. Bompa et Carlo A. Buzzichelli.

Une bonne connaissance des filières énergétiques et leur implication dans le sport pratiqué sont des éléments précieux. Armé de ces informations, il est facile de déterminer le meilleur ratio "activité / repos" pour optimiser les entrainements. Par exemple, le travail de l'accélération maximale sur quelques mètres est très utile dans les sports tels que le tennis ou le football. Ce travail implique la filière énergétique ATP-PC ainsi que des réserves pleines d'ATP et de phosphocréatine. Les temps de repos seront donc longs par rapport aux temps de travail afin de rétablir ces réserves après l'effort. Personnellement, je proposerai un rapport "activité / repos" de minimum 1 sur 20 (voir plus). A l'inverse, si l'objectif est de travailler la capacité du sportif à enchainer les accélérations avec un minimum de perte de performance, les temps de récupération peuvent être plus courts afin de stimuler la glycolyse. Tout dépend donc de l'objectif !

Je finirai par cette phrase "un sportif s'améliore là où il s'entraine". Si un sportif s'entraine à courir 15.33km, il deviendra bon pour courir 15.33km. Si un sportif fait du 6 x 6 au développé-couché, il deviendra bon au 6 x 6 au développé-couché. L'objectif de l'entraineur est de comprendre où et quand le sportif a besoin de s'améliorer afin d'atteindre son objectif.

Merci de m'avoir accompagné jusqu'au bout de cet article ardu ! Après relecture, je me rends compte qu'il manque cruellement d'illustrations !

Arnaud

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