Whiwhin

Bien-être · Santé · Performance

Menu

L'entrainement de la force maximale

La force est LA qualité déterminante de nombreux sports. Elle est l'un des facteurs qui déterminent les performances dans les sports de vitesse, de puissance, d'agilité, d'endurance... Son entrainement est relativement simple à condition de respecter certaines règles. Habituellement, c'est lors du transfert de la force vers le geste technique que les difficultés surviennent.

Avant de commencer, deux remarques sont nécessaires. D'abord, cet article s'intéresse à l'entrainement de la force pour les adultes. Le développement de la force chez les plus jeunes est un sujet passionnant mais nécessite des précautions supplémentaires qui ne seront pas détaillées. Ensuite, je n'aborde pas ici la périodisation. Un autre article détaillera la planification d'une saison avec comme objectif la maximisation de la force.

Ce texte est découpé en 5 parties :

  1. La force, c'est quoi ? expose quelques concepts théoriques nécessaires à une bonne compréhension des principes du développement de la force. Cette partie est largement inspirée du livre "Periodization, Theory and Methodology of Training" de Tudor O. Bompa et Carlo A. Buzzichelli.
  2. Comment améliorer la force maximale ? détaille les valeurs des variables d'un entrainement orienté force maximale.
  3. En pratique, ça donne quoi ? montre un entrainement classique pour un joueur de rugby et un autre pour un coureur de 100m.
  4. Le transfert vers le geste technique discute du transfert de la force vers le geste technique et de l'individualisation de l'entrainement.
  5. Un concept : le buffer ! développe un concept intéressant - le buffer (tampon).

Allez, c'est parti !

Ariston a du mal à soulever un poids !Ariston a du mal à soulever un poids !

La force, c'est quoi ?

Commençons en souplesse et adoptons une définition de la force dans le cas du sport. La force est la capacité d'un système neuromusculaire à produire un effort contre une résistance. Cette résistance peut être un poids à soulever (haltérophilie, powerlifting...) ou un adversaire à repousser ou attirer (lutte, judo, boxe...) ou un objet à lancer (lancer du disque, du poids, un ballon...) ou une impulsion sur le sol (course à pied, saut en hauteur...) ou encore simplement, la gravité contre laquelle nous résistons pour nous tenir debout !

La définition précédente est celle de la force. Mais pour être précis, nous devons définir LES forces et établir plusieurs sous-catégories :

Bien, c'est déjà mieux ! Ces différentes catégories de force sont importants à connaitre car ils permettent de mieux sélectionner le type d'entrainement utile au sport pratiqué. Par exemple, un grimpeur n'a pas besoin de devenir monstrueux au développé-couché (exercice orienté vers la force absolue) mais par-contre, il est important qu'il puisse enchaîner les tractions (force relative et endurance musculaire).

Avant de passer à la pratique, je pense qu'il est utile de s'intéresser un peu au corps humain et de comprendre quels types d'adaptation physiologique sont nécessaires à l'amélioration de la force. Voici donc quelques facteurs physiologiques affectant la force :

Illustration des facteurs physiologiques influençant la force maximaleIllustration des facteurs physiologiques influençant la force maximale
Illustration des facteurs physiologiques influençant la force maximaleIllustration des facteurs physiologiques influençant la force maximale

Bien évidemment, l'efficacité du geste (i.e. la technique) est un composant capital de la production de la force lors d'un mouvement spécifique. Vu l'importance du sujet, un article complet y sera dédié.

Et voilà ! Armés de ces concepts, nous pouvons passer à la phase pratique.

Comment améliorer la force maximum ?

Passons aux choses sérieuses et analysons quelles valeurs prennent les variables classiques d'un entrainement. Ces variables sont l'intensité, le nombre de répétitions, le nombre de séries et le temps de repos.

La plupart du temps, l'intensité est exprimée en pourcentage du record (1RM pour One Repetition Maximum). L'entrainement de la force maximum est optimal avec des charges comprises entre 70% et 100% (voir jusqu'à 120% pour l'excentrique) du 1RM. Lorsque les charges se rapprochent de 90% - 95% du 1RM, l'efficacité de l'entrainement est excellente mais la fatigue s'accumule et le risque de blessure augmente. A l'inverse, les charges plus faibles sont un peu moins efficaces mais le risque de blessure est moindre. Tout l'art de l'entrainement est de déterminer quel niveau d'intensité convient le mieux.

Note

Beaucoup étudié et sujet à controverse, l'entrainement jusqu'à l'échec semble être sous optimal pour l'amélioration de la force maximale.

Le nombre de répétitions est en rapport direct avec l'intensité. Une à huit répétitions sont idéales pour travailler la force maximum. Le tableau suivant montre le nombre de répétitions maximal qu'un sportif est en moyenne capable d'effectuer à une certaine intensité.

Pourcentage du 1RMNombre de répétitions
1001
952
903
855
806
758 - 10
7010 - 15
6515 - 20

Bien sûr, en fonction du type d'athlète, le nombre de répétitions peut varier. Les athlètes plus endurants auront plus facile à effectuer un grand nombre de répétitions à faibles intensités. Alors que les athlètes plus explosifs seront plus à l'aise avec moins de répétitions mais avec des charges plus importantes.

Note

Le nombre de répétitions est à mettre en relation avec le buffer que nous verrons plus loin.

Le nombre de séries est corrélé avec le nombre d'exercices composant la séance. L'idéal est de trouver le ratio nombre d'exercices versus nombre de séries pour obtenir une durée d'entrainement comprise entre 1h30 et 2h. Ainsi, en fonction du sportif, des préférences de l'entraineur et de l'objectif poursuivi, le nombre de séries varie entre 3 et 8 séries. Personnellement, j'affectionne les entrainements composés de 4 séries.

Le temps de repos est en lien direct avec les filières énergétiques (voir cet article) et la biochimie du muscle. Le travail de la force maximum implique la filière anaérobique alactique, c'est-à-dire l'utilisation d'ATP-PC. La glycolyse rapide est parfois impliquée mais elle suppose la production d'acide lactique ce qui introduit une complexité supplémentaire dans l'entrainement. Après un effort, les stocks d'ATP sont reconstitués à 70% au bout de 30 secondes et à 100% après 3 à 5 minutes (il y a une forte disparité entre les individus). Quant aux stocks de phosphocréatine (PCr), ils sont régénérés à 85% après 2 minutes, 90% après 4 minutes et 100% après 8 minutes. Ainsi, les intervalles de repos entre 2 et 5 minutes entre les séries sont à privilégier.

Il est possible d'extraire ce tableau à partir des précédents paragraphes :

Intensité max (%1RM)Intensité min (%1RM)Répétitions (min)Répétitions (max)QualitéFilière énergétique
12010000Force maximaleATP-PC
1009511Force maximale & PuissanceATP-PC
959022Force maximale & PuissanceATP-PC
908533Force maximale & PuissanceATP-PC & Glycolyse rapide
858045Force maximale & PuissanceATP-PC & Glycolyse rapide
807568Force maximale & PuissanceATP-PC & Glycolyse rapide
7570810PuissanceGlycolyse
70651015Endurance de puissanceGlycolyse lente et Aérobie
65601520Endurance de puissanceGlycolyse lente et Aérobie

Super ! Avant de passer aux exemples, discutons d'une phase capitale de l'entrainement - le transfert vers le geste technique.

Le transfert vers le geste technique

A moins d'entrainer un haltérophile ou un powerlifter, les nouvelles capacités musculaires doivent être transférées dans le geste technique du sport pratiqué. Si un joueur de tennis explose ses records en musculation mais que la vitesse de ses coups reste la même, il y a un problème.

Cette partie présente 3 options s'offrant à un entraineur pour maximiser les chances de transfert de la force de la salle de musculation vers le terrain d'entrainement.

La première méthode est le juste équilibre entre les exercices complets et les exercices isolés. Un exercice complet (ou polyarticulaire) est un exercice qui travaille la globalité du corps ou du moins un ensemble important de muscles (par exemple, le squat ou les tractions). Un exercice isolé travaille un muscle ou un petit groupe (par exemple : le leg curl, le leg extension, les abdominaux de type crunch...). Les exercices polyarticulaires créent une force plus facilement transférable vers la force spécifique car ils obligent une certaine coordination et le travail en chaine musculaire. En revanche, ils sont plus énergivores et plus dangereux que les exercices isolés. Ces derniers sont utiles si vous voulez développer un muscle spécifique ou préserver votre sportif. Une bonne séance est construite autour d'une alternance entre les différents types d'exercices. Personnellement, lorsque mes sportifs sont en forme (au début d'une séance, par exemple), je privilégie les exercices complets tels que les arrachés, les fentes ou les tirages penchés. Lorsqu'ils sont plus fatigués, je complète la séance avec un renforcement plus spécifique de certains muscles, comme les ischios ou les abdominaux.

La deuxième méthode fait intervenir l'imagination du préparateur physique. Il s'agit de l'alternance entre les exercices de force générale et de force spécifique. La force spécifique nous intéresse directement puisqu'elle s'applique directement au sport pratiqué. L'énorme avantage des exercices spécifiques est que le transfert vers le geste technique est quasiment direct. Un bon entraineur veille donc à en inclure un ou plusieurs à chaque entrainement. Par exemple, un joueur de rugby fera de la poussée de traineau ou un grimpeur fera des tractions. Cependant, la performance n'est pas le seul objectif. Il faut également veiller au bon développement global du sportif et à la prévention des blessures. C'est pourquoi une séance de renforcement musculaire n'est pas exclusivement composée d'exercices spécifiques.

Le troisième point (et de loin le plus important) est de s'adapter à son athlète. L'individualisation de l'entrainement est la clé d'une préparation optimale. Cette individualisation peut se faire de plusieurs manières et nécessite la prise en compte de plusieurs facteurs comme l'âge du sportif, ses antécédents de blessures, son sexe, sa morphologie, son sommeil, sa nutrition, ses activités en dehors du sport, son degré de motivation... Personnellement, une grande partie de mes connaissances en individualisation vient de l'étude des Préférences Motrices® mais ce n'est qu'une solution parmi beaucoup d'autres.

Illustration de l'individualisation de l'entrainementIllustration de l'individualisation de l'entrainement
Illustration de l'individualisation de l'entrainementIllustration de l'individualisation de l'entrainement

Après la revue de tous ces concepts théoriques, nous pouvons sereinement passer à la mise en pratique !

En pratique, ça donne quoi ?

Commençons par un entrainement pour un joueur de rugby. Ici, pas d'individualisation, nous présentons une séance de musculation classique pour un joueur moyen :

ExerciceSérieRépétitionsCharge (%1RM)Repos
Vélo10minLibre
Excentrique des ischios (Medecine Ball)310/45s
Squat complet4480%3min
Développé incliné4675%3min
Poussée de traineau6115m (haute intensité)3min
Élévations latérales (haltères)4870%1min30
Leg Curl4675%2min
Battle Rope4115s1min30
Mobilité10min

Dans cette séance, l'excentrique d'ischio, les élévations latérales et les leg curls servent de renforcement général. Comme ce sont des exercices isolés, les temps de récupération sont plus courts. En revanche, les exercices complets comme le squat et la poussée de traineau demandent plus de temps de récupération et sont orientés force maximum et spécifique. Ce sont les exercices centraux de la séance. Le temps de récupération à nouveau court à la "battle rope" permet le travail de l'hypertrophie et de l'endurance musculaire.

Passons maintenant à la musculation d'un sprinteur :

ExerciceSérieRépétitionsCharge (%1RM)Repos
Gainage & Abdominaux10minLibre
Excentrique des ischios (Medecine Ball)310/45s
Épaulé-jeté4285%3 - 5min
Chest Fly4870%3min
Fentes verticales4480%3 - 5min
Extension du dos (machine)412/1min30
Nordic Hamstring46/1min30
Étirementlibre

Ici, les exercices principaux sont les épaulés-jetés et les fentes verticales. Ils doivent être réalisés avec une consigne de vitesse. Aussi, plusieurs séries d'échauffement sont nécessaires avant d'arriver aux niveaux d'intensité demandés. Le "nordic hamstring" est un exemple typique d'exercice orienté prévention des blessures. Le sprint sollicite beaucoup les ischios, il est donc utile de les renforcer spécifiquement.

Même si les deux séances travaillent la force max, l'accent est mis sur l'explosivité pour le sprinteur et sur l'hypertrophie pour le rugbyman. La séance du sprinteur est également plus courte car le travail de l'explosivité est sous optimal avec de la fatigue.

Note

La vitesse d'exécution du mouvement est un aspect de l'entrainement de la force qui aurait mérité un paragraphe.

Un concept : le buffer

Finissons cet article avec le "buffer" ou "tampon" en français. Sa définition est : le pourcentage du 1RM nécessaire pour atteindre l'échec avec le nombre de répétitions effectués moins le pourcentage du 1RM utilisé pour la série. Le buffer dépend donc directement de la table de relation entre la charge et le nombre de répétitions. Comme indiqué plus haut, pour un sportif entrainé, cette table ressemble à :

Pourcentage du 1RMNombre de répétitions
1001
952
903
855
806
758 - 10
7010 - 15
6515 - 20

La règle est : plus le buffer est faible, plus la série est difficile.

Si un sportif effectue 3 répétitions à 80% et qu'il est capable d'effectuer 3 répétitions à 90% de son 1RM, le buffer sera de 10% (90% - 80%). Dans l'exemple de l'entrainement du sprinter, le buffer pour les épaulés-jetés était de 10% (95% - 85%). Vous pouvez vous amuser à calculer les buffers pour les exercices du rugbyman et du sprinteur. Vous verrez que la séance du rugbyman est très fatigante !

La valeur optimale du buffer doit prendre en compte l'objectif de l'entrainement ainsi que l'état de forme de l'athlète. Effectuer quelques séries de 1 à 3 répétitions aux alentours de 90% du 1RM avec un faible buffer (compris entre 0 et 5%) travaille la force relative, c'est-à-dire une augmentation de la force maximale sans augmentation du poids. Ce travail est extrêmement utile, surtout dans les sports où le rapport poids / puissance a de l'importance. Par contre, nous sommes dans une zone à très haute intensité, il faut donc ne pas en abuser et veiller à inclure des temps de repos suffisamment longs.

Pour travailler la force maximum et la puissance avec une charge lourde, il est généralement conseillé de faire 3 à 6 répétitions avec un buffer moyen (compris entre 10 et 20%). C'est dans cette zone que s'effectue la plupart du travail d'amélioration de la force.

Le buffer est donc un super outil d'estimation de la charge d'un entrainement.

Et voilà pour l'entrainement de la force ! Vu la longueur de l'article, nous pouvons nous arrêter ici. Si vous souhaitez approfondir le sujet, je recommande la lecture de "Periodization, Theory and Methodology of Training" de Tudor O. Bompa et Carlo A. Buzzichelli ou de "Courir en harmonie" de Cyrille Gindre. Le premier est une mine d'or sur la planification des entrainements et le second est une formidable entrée en matière sur l'individualisation de l'entrainement (sans pour autant être un cours sur les Préférences Motrices®). En guise de conclusion, je rappellerai cette règle : il vaut mieux une répétition de trop peu qu'une répétition de trop !

Merci pour votre attention !

Sportivement,

Arnaud

Autoriser les cookies ?